Propos recueillis par Bruno Lesur le 1er juin 2011
S'il y a quelqu'un qui connait bien les rivières de l'Aubrac c'est bien Fred Remise, patron de l'Hôtel du même nom à Ste-Urcize
dans le Cantal.
Né au bord du Bès, guide de pêche, Fred a arpenté depuis sa prime jeunesse les cours d'eau de cette magnifique région qui a su garder
son authenticité.
Petite discussion au coin du zinc.
BL : Comment se porte le Bès, ta rivière fétiche ?
FR : Comme tu as pu le voir cette année, il a fait un temps anormalement sec, beaucoup de soleil,
les niveaux d'eau sont dignes d'un mois d'août.
Ces belles journées ne sont pas très favorables à la pêche par chez nous, les poissons sont peu actifs.
Aujourd'hui, il fait un temps exécrable, il pleut, le vent est fort, la température a chuté, les pêcheurs à la mouche
ne sortent pas trop avec ces conditions climatiques, pourtant je suis sûr que les poissons étaient dehors.
BL : Je confirme, j'ai eu rarement aussi froid (2°c avec un vent à décorner les vaches Aubrac), les doigts gourds,
rincé par la pluie mais dans ces conditions dantesques les belles du Bès se sont montrées bonnes filles.
FR : Si on voulait vraiment protéger la rivière, il faudrait presque fermer la pêche.
La température de l'eau, si elle s'élève trop dans les semaines à venir risque de provoquer une eutrophisation.
Même en pratiquant le no-kill, les poissons blessés aux lèvres ou mal manipulés par les pêcheurs n'arriveront plus à cicatriser,
ils attrapent ce qu'on appelle la mousse et meurent rapidement.
Il faut vraiment laisser la truite dans l'eau et la décrocher le plus délicatement possible.
BL : Quand on voit la déco de ton hôtel entièrement dédiée à la pêche,
on remarque des grands noms de la pêche à la mouche, tu en as connu quelques uns ?
FR : Oui, j'ai eu la chance de fréquenter quelques personnages hors du commun.
J'ai au dessus de la porte d'entrée une canne ayant appartenu à Charles de Vazeilles.
Il habitait au bord de la Truyère et a consacré sa vie à sa passion a une époque où l'eau était pure et les poissons nombreux.
Il a écrit plusieurs livres sur la pêche en Gévaudan, sur la pêche du saumon notamment.
J'ai toute la collection qu'il m'a gentiment dédicacé. J'ai travaillé avec Arnaud, aussi, son petit fils qui était guide de pêche
il y a quelques années.
BL : Tu as une belle exposition de mouches de Poirot.
FR : Ah oui, autre grosse personnalité, ce n'était pas le genre à pratiquer le no-kill
mais c'était un monteur d'exception, ces imitations sont vraiment superbes.
D'ailleurs, quand il avait une grosse commande, toute sa famille était mise à contribution.
Il avait une technique de pêche très particulière avec une petite canne de 7 pieds et pratiquait beaucoup
le revers qu'il maîtrisait à la perfection.
BL : Autre rencontre qui t'a marqué.
FR : J'ai reçu, une fois, une leçon de pêche et de savoir vivre. J'étais sur le Bès en dessous de
Fournels et je vois arriver un pêcheur qui s'approche de moi et me demande s'il peut se mettre 100m derrière moi.
C'était demandé tellement gentiment que je lui propose au contraire de pêcher le courant au dessus de moi.
Tout en continuant de pêcher, j'observe ce curieux personnage qui se met à prendre poisson sur poisson,
avec une technique bien à lui, canne haute et bras entièrement relevé.
Je m'arrête de pêcher et viens m'assoir à sa hauteur. Il m'explique qu'en pêchant ainsi il ne laisse que la mouche sur l'eau
et pas le fil.
Il se présente, Henri Bresson, l'inventeur du Palmer autrement appelé tricolore, une légende.
Le lendemain, je décide d'adopter sa technique, j'ai mis une semaine à m'en remettre tellement mon épaule et mon bras,
pas habitués à cette position, étaient endoloris !!!
BL : Alors, ton Bès, toujours une destination d'exception ?
FR : Il y a des hauts et des bas selon les saisons, mais c'est une rivière très riche en truites,
elle se suffit à elle-même. Dans le Cantal elle n'est pas du tout alevinée.
Il y a des étrangers qui viennent du bout du monde pour pêcher ici ; j'ai reçu il y a pas longtemps
un Australien et même un Japonais, très bon monteur au demeurant.
Certains pêcheurs qui viennent ici sont dubitatifs, me disent qu'il n'y a plus de beaux poissons.
Il faudrait qu'ils viennent avec moi lors de certains coups du soir où sur certains postes, il y a des sujets de plus d'un kilo.
C'est vrai que j'ai quelques mouches de ma fabrication qui font quelques fois la différence. C'est mon jardin secret.
Toutes les photos appartiennent aux membres des Moucheurs Nîmois, si vous souhaitez les utiliser, merci de nous mettre en crédits.