Depuis la disparition de "Plaisirs de la pêche", le bimensuel "Pêche Mouche" est LE magazine de la Mouche en France.
Vous êtes gatés les amis, nous avons contacté son rédacteur en chef.
Fabrice Monnel est avant tout un passionné.
Passionné de la pêche à la mouche bien sûr, mais aussi du partage, des rencontres et
des moments privilégiés au bord de l’eau où on est en harmonie avec la nature qui nous entoure.
Ses éditos, dans son magazine, pleins d’humanisme nous ont donné envie de mieux le connaitre et c’est avec gentillesse
qu’il a bien voulu répondre à nos questions.
BL : Bonjour Fabrice Monnel, vous êtes rédacteur en chef du bimensuel Pêche Mouche,
comment se porte ce magazine incontournable en France face à la crise de la presse écrite.
FM : Très bien, ce qui pourrait même paraître assez surprenant. Car autant nous sommes un tant soit peu
obligés de passer quotidiennement chez le boulanger pour notre baguette nationale,
autant nous pourrions nous passer de Pêche Mouche. Mais visiblement en ces temps difficiles,
nous avons peut être encore plus besoin de rêver et de nous accrocher à nos passions.
BL : Dans vos éditoriaux vous pointez souvent du doigt la gestion chaotique de la pêche en France.
Comment expliquez-vous qu’un pays avec un tel potentiel halieutique sacrifie cette richesse à
coup d’engrais, de pesticides, de pompages, de barrages, de pollutions diverses ?
FM : Le progrès, le développement économique et industriel. C'est aussi simple que cela.
Mais ce que nous n'avons pas encore compris en France, et en cela nous sommes bien en retard avec
d'autres pays qui ont beaucoup moins de ressources que nous et qui sont obligés d'exploiter
le moindre filon, c'est que ce potentiel halieutique dont vous parlez est aussi un formidable
potentiel économique. Le jour où nous aurons compris ça, vous verrez que les rivières
iront beaucoup mieux. Mais j'ai bien peur qu'il faille beaucoup de temps car nos hommes politiques
sont préoccupés à gérer l'immédiat et les crises. Ou d'autres choses encore.
BL : La pêche à la mouche s’est largement démocratisée ces 20 dernières années, pourtant on a toujours l’impression
qu’il y a une barrière entre les moucheurs, qui passent souvent pour des donneurs de leçons, et les autres pêcheurs.
Quelle est votre explication de ce phénomène ?
FM : Je vous attribue cette impression parce que personnellement ce n'est pas ce que je ressens.
Je n'ai jamais eu l'impression qu'il y avait une barrière entre les autres pêcheurs et nous.
Nous sommes un peu à part parce que je pense que beaucoup d'entre nous ont goûté à toutes les techniques
avant de se mettre à la mouche. Et non seulement nous connaissons les autres univers mais parfois
nous les côtoyons. Donc à ce titre nous pourrions considérer que quelque part le fait de pêcher à
la mouche est une forme d'aboutissement.
Nous passons peut être parfois pour des donneurs de leçons c'est possible mais j'ai la faiblesse de
croire que ça concerne essentiellement le no-kill ou l'entretien des rivières.
Là pour le coup c'est compréhensible puisque en dehors des carpistes,
nous sommes ceux qui gardons le moins de poisson.
Donc je peux imaginer que nos discours sur le no kill en énervent certains.
Mais je suis assez mal placé pour répondre à cette question car, je le répète, ce n'est pas ce que je pense.
BL : Pour confirmer un peu cette incompréhension entre pêcheurs, certains moucheurs, intégristes,
ne jurent que par le no-kill intégral, la nymphe à vue, sinon rien, les poissons de souches pures et
dénigrent une pêche un peu moins élitiste.
Faut-il en arriver là pour sauver ce qui peut l’être ou y a-t-il d’autres alternatives ?
FM : Attention ! Premièrement je ne considère pas qu'il y ait une incompréhension entre pêcheurs.
Ensuite les moucheurs intégristes n'ont rien à voir avec le fait de sauver les rivières ou les poissons.
Pour moi un moucheur intégriste est un petit bonhomme qui manque d'ouverture, de générosité et d'humanité.
Il se rassure en se raccrochant à des idées ou des techniques qu'il considère nobles par
manque de confiance en lui. Pour lui, pour bien faire, sous couvert d'idéaux, il faudrait faire comme lui.
J'en ai rencontré suffisamment pour savoir qui ils sont.
J'ai tellement vu certains personnages, connus, intégristes, toujours en train de prôner exactement
ce que vous dites, trembler devant une truite, rater leurs lancers...
Et puis entre nous, passer des heures devant une truite de 35 cm du pré Bourrassin parce que soit disant,
elles sont plus difficiles qu'ailleurs, vous trouvez ça très écolo ? Moi pas.
Heureusement ils représentent une minorité d'entre nous.
BL : Le bonheur est dans un pré où coule une rivière, comment vous est venu cette passion de la pêche à la mouche ?
FM : Mon grand-père paternel fabriquait des bateaux de pêche. Ma grand mère maternelle m'emmenait pêcher
le gardon dans la Marne à deux ans. La pêche fait partie de ma vie, de ma culture, de mon histoire.
Petit, je rêvais devant le catalogue Mitchell qui, à l'époque était le nec plus ultra.
Je fauchais des poissons articulés à la Samaritaine, parce que je n'avais pas l'argent.
D'ailleurs si quelqu'un se souvient de ces poissons nageurs dans les années 70 ça m'intéresserait.
Des Poppys ou quelque chose comme ça.
Je suis venu naturellement à la mouche parce que je me suis aperçu que c'était la seule manière
de prendre des poissons à certaines époques de l'année. J'ai fait un édito là dessus récemment.
Pour moi, la pêche c'était un moyen de rêver aux prises que j'allais faire. Avec qui forcément
je nouais un rapport particulier. Une forme de respect. Mais aussi de passer un moment à ne
penser qu'à ça : capturer des poissons. J'imagine que ça avait un rôle très thérapeutique et
que cela m'a permis de me construire. Oublier un moment la réalité et me mobiliser sur une tâche
qui accaparait mon esprit et qui après tout me réussissait assez bien. C'est pour cela aussi que
je crois vraiment aux vertus thérapeutiques de la pêche.
BL : Votre métier vous fait voyager dans le monde entier, quelles sont les destinations qui vous ont marqué
le plus ces dernières années et que vous conseilleriez à nous, pauvres pêcheurs ?
FM : Les Caraïbes. J'adore la mer des Caraïbes. C'est ma mer après tout, ayant des origines antillaises.
J'aime Cuba et les Cubains. Sacré peuple. Ils sont tous docteur en astrologie, en médecine ou en
physique nucléaire. Le système scolaire cubain est le plus développé et le plus efficace au monde.
En plus ce sont des gens d'une exceptionnelle intelligence et acuité. Vous discutez avec un taxi et
vous apprenez qu'il est médecin ou avec un groom qui vous annonce après quelques mojitos qu'il est
docteur en mathématique.
Le problème là bas est qu'un ingénieur ou un médecin touche 20 dollars par mois. Or un taxi touche 20 fois
plus. Franchement, c'est un pays très riche en histoire, architecture et en paysage.
Pour la pêche, l'atmosphère, le tourisme et la culture, je le recommande.
BL : Vous partez pour une ile déserte vous avez le droit d’y amener une rivière et 5 mouches quel sera votre choix ?
FM : Une rivière ? La Loue il y a un demi siècle. Cette rivière était magique. Je l'ai connue seulement dans
les annèes 90 mais elle était encore bien conservée.
Quant aux mouches, j'imagine que vous voulez parler de mouches rivières :
- Un sedge en flanc de cane en soft hackle.
- Une Pheasant tail
- Une Petitjean H18 ou H20.
- Une fourmi
- Une émergente olive genre oreille de lièvre mais en différentes tailles.
Ca fait la rue Michel pour beaucoup de choses même pour la mouche de mai. Rien de très particulier, pas de mouches miracle.
Pas trop déçu ?
BL : Un dernier mot, vous connaissez très bien les rivières franc-comtoises et en particulier la Loue,
les nouvelles ne sont pas très bonnes du côté d’Ornans.
Avez-vous un début d’explication sur ce qui se passe au bord de ce cours d’eau mythique ?
FM : Oui des explications on en a. Mais malheureusement, nous n'avons pas trouvé la raison et c'est plus
inquiétant. J'ai peur que ce ne soit que le début de phénomènes récurrents.
BL : Merci pour vos réponses...
FM : Merci à vous. Et toute mon amitié aux moucheurs et moucheuses du club ;-)
Toutes les photos appartiennent aux membres des Moucheurs Nîmois, si vous souhaitez les utiliser, merci de nous mettre en crédits.